26 octobre 2020

Projet de loi no 66 Loi concernant l’accélération de certains projets d’infrastructures : commentaires de la FMSQ

Par Dre Diane Francœur

Lettre transmise par courriel à Monsieur Jean-François Simard, président de la Commission des finances publiques

Copie conforme à Mme Sonia LeBel, présidente du Conseil du trésor et ministre responsable de l’Administration gouvernementale, M. Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux, M. Gaétan Barrette, porte-parole de l’opposition officielle en matière d’Infrastructures, M. Vincent Marissal, porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière de Conseil du trésor, de Finances, de Fiscalité, de Revenu et d’Économie, Monsieur Martin Ouellet, porte-parole du troisième groupe d’opposition en matière de Conseil du trésor, d’Économie et de Finances.

 

Monsieur le président,

Par la présente, nous souhaitons vous faire part des commentaires de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) sur le projet de loi no 66, Loi concernant l’accélération de certains projets d’infrastructures.

La FMSQ regroupe 59 spécialités médicales représentant plus de 10 000 médecins spécialistes de toutes les disciplines médicales, chirurgicales et de laboratoire. Nos médecins spécialistes œuvrent dans l’ensemble du réseau de la santé au Québec, mais sont particulièrement présents dans les centres hospitaliers. Nos membres sont animés par une volonté profonde d’améliorer l’accès aux soins et aux services offerts à la population québécoise.

Dans l’ensemble, la FMSQ accueille favorablement le projet de loi no 66, qui permettra de mettre en place des mesures pour accélérer divers projets d’infrastructures du réseau de la santé et des services sociaux. Nous sommes satisfaits de voir qu’avec ce projet de loi, le gouvernement s’attaque à la problématique des infrastructures en santé. Ce n’est un secret pour personne que le parc immobilier du réseau de la santé et des services sociaux est en grande partie vétuste. Cette situation a de nombreux impacts sur la qualité des soins aux patients et sur l’environnement de travail du personnel. Les patients et le personnel des établissements dont les projets sont inclus dans l’annexe du projet de loi pourront rapidement constater les bénéfices d’avoir des infrastructures modernes, notamment la facilitation de la prévention et du contrôle des infections, un enjeu relevé à de nombreuses reprises en lien avec la pandémie de la COVID-19.

Nous nous réjouissons d’ailleurs de constater que la construction, l’agrandissement et le réaménagement de nombreuses maisons des aînés ainsi que de centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) sont prévus dans ce projet de loi. La première vague de la pandémie de la COVID-19 a mis à l’avant-plan à quel point les CHSLD ne sont généralement pas des milieux de vie adéquats pour nos aînés. Mal ventilées et exiguës, certaines infrastructures ont probablement accéléré la propagation de la maladie. Nous sommes convaincus que ces nouveaux milieux de soins de longue durée, construits au goût et aux standards du jour, permettront d’améliorer considérablement la qualité de vie des résidents.

Toutefois, nous souhaitons aujourd’hui partager avec vous quelques observations et recommandations, afin d’assurer une gestion des infrastructures en santé la plus efficace pour tous, pour le bien des patients, mais aussi des équipes de soins.

Un meilleur arrimage entre les infrastructures et le personnel médical

L’un des premiers points sur lesquels nous souhaitons insister est la nécessité d’avoir un meilleur arrimage entre les nouvelles infrastructures, dont la construction sera accélérée par ce projet de loi, et le personnel disponible pour y travailler. Nous sommes totalement en accord avec la vision du gouvernement et la nécessité d’avoir des espaces plus grands, plus modernes et avec une capacité d’accueil supplémentaire. La prestation des soins sera certes améliorée par la création de nouvelles infrastructures, mais encore faut-il que le personnel soit en quantité suffisante pour fournir lesdits soins.

Alors que nous sommes en pénurie de personnel, il est essentiel de d’établir des prévisions à plus long terme en ce qui a trait aux besoins en ressources humaines. Il est essentiel que le personnel médical et professionnel soit en nombre suffisant pour couvrir les besoins actuels et ceux du futur, sans quoi nous nous retrouverons face à un mur. Nous insistons ici sur l’importance de planifier les besoins, puisqu’il ne faut pas oublier le temps de formation requis : soulignons, par exemple, qu’il faut plus de 10 ans pour former un médecin spécialiste.

Le gouvernement s’est d’ailleurs engagé avec la Fédération à lutter contre les bris de services médicaux spécialisés de base dans toutes les régions du Québec. La croissance des installations hospitalières doit pouvoir permettre à la Fédération de respecter ces engagements avant de couvrir de nouveaux sites.

Des besoins beaucoup plus importants

Le projet de loi no 66 propose une liste de projets qui seront accélérés. Cette liste inclut plusieurs projets intéressants et qui méritent une attention particulière. Cependant, les besoins en infrastructures du réseau sont immenses et vont bien au-delà de la liste, laquelle comporte un nombre limité de projets visant les centres hospitaliers. Nos installations datent en grande partie des années 1960 et 1970 et ont été peu rénovées au fil du temps. Si le gouvernement souhaite réellement doter le Québec d’hôpitaux modernes, il devra, au-delà du projet de loi no 66, augmenter de façon considérable les budgets du MSSS prévus au Plan québécois des infrastructures.

La situation dans la grande région de Montréal

Nous sommes déçus de constater que plusieurs projets majeurs dans la grande région de Montréal ne figurent pas dans les priorités du gouvernement, alors qu’il y a des besoins urgents en termes de lits dans la région. Nous trouvons particulièrement dommage de voir qu’il n’est pas prévu, dans le projet de loi no 66, d’accélérer les projets relatifs à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont et à l’Hôpital du Sacré-Cœur-de-Montréal. Depuis des années, la communauté médicale le répète : ces deux infrastructures tombent en ruine. Leur mise à contribution comme hôpitaux d’accueil traitant la COVID-19, lors de la première vague de la pandémie, aura d’ailleurs permis de constater la vétusté de ces installations.

Certes, les projets d’agrandissement et de modernisation de l’Hôpital de Verdun et du Centre hospitalier de St. Mary seront les bienvenus, tout comme la construction d’un nouvel hôpital pour la région de Vaudreuil-Soulanges. Toutefois, nous le répétons depuis plusieurs années : si un seul projet doit être priorisé dans l’accélération de chantiers au Québec, c’est bien celui de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, un pôle majeur en soins pour la population de l’Est de Montréal.

Il est également grand temps que le projet de construction d’un nouvel hôpital dans l’Est soit priorisé : l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont ne suffit plus à la demande, malgré les travaux de modernisation et les projets d’agrandissements. En effet, la population dans l’Est de la ville de Montréal est en croissance. Ce secteur accueille de plus en plus de nouvelles familles qui ont besoin d’une gamme de soins spécialisés que les locaux actuels ne peuvent permettre.

Qui plus est, il n’existe aucun centre hospitalier majeur entre l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont et l’Hôpital Pierre-Le Gardeur, alors que des populations vulnérables sises sur ce territoire ont besoin d’une prise en charge afin d’améliorer les déterminants de leur santé. 

Vers une planification plus efficace sur le long terme des infrastructures en santé

Afin de maximiser l’impact des investissements en infrastructures, nous croyons nécessaire que le gouvernement s’assure d’une meilleure gestion des enveloppes de maintien d’actifs dévolues annuellement aux établissements. En effet, nous observons fréquemment un mauvais arrimage entre les projets financés via ces enveloppes et les intentions des établissements et du MSSS. Comme les fonds ne sont pas illimités, il est essentiel de s’assurer d’une meilleure planification à long terme, mais aussi d’une plus grande fluidité dans l’utilisation de ces enveloppes pour tenir compte des projets majeurs en cours.

Conclusion

En résumé, le projet de loi no 66 reflète une volonté réelle de la part du gouvernement d’accélérer significativement plusieurs projets d’infrastructures en santé. Il s’agit d’un pas dans la bonne direction, mais nous souhaitons avant tout que le gouvernement s’assure de mettre en place une planification efficace, à la fois dans les effectifs nécessaires et dans le financement, et qu’il réponde aux besoins du milieu.

En vous remerciant à nouveau, Monsieur le président, ainsi que les membres de la Commission, pour l’attention accordée à la présente, je tiens à vous assurer de notre plus entière collaboration. Nous répondrons à toute question ou demande d’information complémentaire avec plaisir.

Veuillez agréer, Monsieur Simard, l’expression de mon profond respect.

La présidente,

Diane Francoeur, M.D., FRCSC, MHCM