30 avril 2024

Optilab : une inertie préjudiciable pour les soins aux patients

Par un collectif de signataires

Au cours des dernières années, les médecins spécialistes, en phase avec les autres professionnels de la santé, ont fait connaître à maintes reprises leurs préoccupations à l’égard de l’efficacité du réseau de laboratoires Optilab. 

Devant ces sorties répétées, le ministère de la Santé et des Services sociaux a organisé une journée de consultation le 28 avril 2023. Les inquiétudes se sont malheureusement révélées fondées puisqu’un an plus tard, malgré l’envoi de plus de 50 recommandations, aucun changement tangible n’a été constaté sur le terrain.

Les délais atteignent des niveaux alarmants, la pénurie de main-d’œuvre afflige nos laboratoires, les risques de perte d’échantillons sont toujours aussi importants, les soignants continuent de se buter aux déboires du système informatique d’Optilab. Ce sont les patients qui en font les frais. Devant ce constat, nous tenons une fois de plus à demander immédiatement des actions concrètes susceptibles d’améliorer les choses.

Les laboratoires au cœur du continuum de soins

Il existe un lien clair entre l’efficacité des laboratoires et la performance du réseau de la santé. Ainsi, nous sommes gravement préoccupés par les déficiences d’Optilab puisqu’elles ont une incidence directe sur la qualité des soins offerts à la population. Par exemple, un retard d’analyse d’échantillons peut occasionner un délai, voire le report d’une opération pour un patient. Cette situation est insoutenable et entraîne des répercussions, par exemple, sur les listes d’attente en chirurgie déjà surchargées.

Un autre facteur qui affecte grandement la performance de nos laboratoires est l’actuelle pénurie de technologistes médicaux. Leur contribution est essentielle pour diagnostiquer et traiter nos patients. Sans stratégie concrète pour solutionner l’enjeu, le manque critique de main-d’œuvre et ses conséquences pour le réseau ne feront que croître.

La situation est grave et des changements urgents sont nécessaires, faute de quoi les patients continueront d’en subir les conséquences. Lorsqu’un échantillon n’est pas analysé dans les temps, doit être renvoyé en raison d’un quota ou est simplement perdu ou jeté, c’est un diagnostic qui est reporté, c’est un traitement qui est repoussé et, finalement, c’est une guérison qui peut être retardée.

Collaborer avec les soignants au profit des patients

Les recommandations déposées il y a plus d’un an, fruit d’observations et d’inquiétudes partagées par toutes les parties prenantes sur le terrain, visaient à améliorer la situation. Toutefois, ces dernières sont restées inexplicablement sans réponse, ce qui est symptomatique de l’approche générale choisie par le ministère depuis l’instauration d’Optilab.

Trop souvent les orientations sont prises sans consultation, laissant les soignants composer avec leurs conséquences. La façon avec laquelle l’appel visant à obtenir un moratoire sur la construction du laboratoire serveur de la Montérégie, qui faisait largement consensus, a été complètement ignoré par le ministère en représente un autre exemple. Sur le terrain, ce projet suscite de nombreuses inquiétudes quant à la capacité future des médecins à remplir pleinement leur mission.

Nous voilà donc, encore une fois, obligés de sonner l’alarme et de demander des réponses. Depuis l’instauration officielle du projet Optilab en 2017, voilà maintenant 7 ans, les Québécois ont-ils un meilleur accès aux services de laboratoire ? Les laboratoires sont-ils plus efficaces ? Sans démonstration objective des retombées concrètes et mesurables, il est impossible de répondre par l’affirmative. Où sont rendues les recommandations partagées il y a maintenant un an ? Quelle analyse en fait le ministère et quels moyens propose-t-il pour résorber la situation ? Sans changement rapide, la situation continuera de se détériorer.

C’est pourquoi nous interpellons le ministère afin qu’il accorde les ressources nécessaires au bon fonctionnement des laboratoires publics et revoie sa manière de faire les choses. La collaboration n’est pas une route à sens unique. Nous sommes convaincus que les solutions passent inévitablement par l’expertise, l’engagement et la connaissance fine de la réalité terrain des professionnels en laboratoires. En travaillant ensemble, nous serons en mesure d'identifier et de mettre en place les correctifs urgents que la situation actuelle requiert.


Montréal, le 30 avril 2024
 

Lettre d’opinion publiée dans le Journal de Montréal le 30 avril 2024

Signataires :

  • Dre Badia Issa-Chergui, présidente de l’Association des pathologistes du Québec
  • Dr François Corbin, président de l’Association des médecins biochimistes du Québec
  • Dr Karl Weiss, président de l’Association des médecins microbiologistes infectiologues du Québec
  • Dr Normand Blais, président de l’Association des médecins hématologues et oncologues du Québec
  • Dre Valérie Désilets, présidente de l’Association des médecins généticiens du Québec
  • Dr Vincent Oliva, président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec