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Dossier santé

La 2e vague expliquée

COVID-19
Sous la loupe de dix médecins spécialistes avec nous dans la cellule de crise. Voyez ce qu’il faut retenir de la première vague et comment faire mieux.

Dr Karl Weiss, président de l’Association des médecins microbiologistes infectiologues du Québec  

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L’une des plus importantes leçons à tirer est la suivante : bien que la prise de décision gouvernementale doive nous guider d’un point de vue stratégique, il est capital que nos ressources, au coeur de la bataille, bénéficient d’une grande flexibilité d’un point de vue tactique. Localement, les réalités et les défis sont très différents. Il faut de la souplesse pour s’adapter sur le terrain.  

L’histoire indique que d’autres vagues sont à prévoir. Et contrairement au cas spécifique de la H1N1, cette fois-ci, nous n’avons pas de médicament efficace ni de vaccin. Évidemment, nous ne pouvons pas demeurer dans un état perpétuel de confinement étant donné les problèmes majeurs engendrés sur les plans économiques et sociaux, mais nous devons nous préparer. Déjà, le Québec a un travail à faire au niveau industriel pour gagner de l’indépendance quant à la production et la distribution d’équipements médicaux. ÉPI, médicaments… Il faut pouvoir les déployer sans limites, et rapidement.  

Dr Gilbert Boucher, président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec 

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D’abord, il faut protéger le personnel du réseau. La pénurie d’ÉPI n’est pas viable. Ensuite, l’expérience vécue nous l’a bien démontré, le mouvement du personnel entre établissements est tout à fait à proscrire. Enfin, le Québec n’étant pas une province homogène où tout se déroule de la même façon, les professionnels de la santé doivent disposer d’un leadership local. En médecine d’urgence, nous avons été les premiers témoins de la transmission communautaire. Il a fallu près de 10 jours pour obtenir une réaction à cet enjeu. Les délais entre la transmission de l’information et la prise de décision doivent être réduits.  

Quand la deuxième vague déferlera-t-elle ? Est-ce que Montréal sera épargnée, étant déjà fortement exposée ? Est-ce que les régions éloignées seront plus touchées ? Il faut évaluer les différents scénarios et préparer des plans de contingence. Nous sommes mieux outillés qu’il y a deux mois, mais il ne faut pas baisser les bras ! 

Dr Huang Duong, président de l’Association des spécialistes en médecine interne du Québec

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En rétrospective, la gestion de l’équipement nous a fait défaut dès le début de la pandémie. Malheureusement, certaines recommandations ont été faites par manque d’équipement, et non pas parce que les données scientifiques les justifiaient. Par ailleurs, à l’avenir, il sera essentiel d’assurer et d’augmenter notre capacité de tester. Nous le savons maintenant, les porteurs asymptomatiques contribuent à propager le virus.  

Avant que le virus ne se propage au Québec, nous l’attendions dans les hôpitaux – nous étions prêts à cette éventualité. Il est plutôt arrivé par les CHSLD – nous n’y étions pas préparés. À mon avis, nous devons rester humbles et prêts à se faire déjouer une deuxième fois. Il ne fait aucun doute que le réseau a besoin de plus de gestionnaires de proximité. Ce printemps, les informations ont pris trop de temps avant de descendre jusqu’au terrain ou de remonter jusqu’à l’administration : il faut pallier ce manque rapidement. 

Dr Serge Legault, président de l’Association québécoise de chirurgie 

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En chirurgie, nos équipes ont été dégarnies très rapidement de leurs inhalothérapeutes, leurs infirmières et leurs anesthésistes. À l’avenir, nous devrons conserver les équipes intactes et respecter les spécialités de chacun. La pandémie nous a toutefois apporté un apprentissage monumental : il n’est pas normal qu’en 2020, nous n’ayons pas de système informatisé nous permettant de vérifier, en temps réel, quelles sont les ressources matérielles disponibles dans chaque établissement. Dorénavant, il sera essentiel de gérer la ressource différemment. Un système de santé dans lequel le personnel soignant n’est pas protégé serait une catastrophe innommable. En rétrospective, je crois que l’incertitude qui a accompagné les quantités limitées de stocks nous a empêchés de travailler au maximum de nos capacités.  

Depuis quelques semaines, la courbe continue de descendre malgré le déconfinement. Éviterons-nous les potentiels effets secondaires du déconfinement ? Ou est-ce plutôt l’activité virale qui diminue en été ? Dans tous les cas, il importe de conserver les réflexes COVID-19. Cela implique que nous gardions des lits dans les hôpitaux, de même que des salles d’opération pour les patients infectés. 

Dr Martin Champagne, président de l’Association des médecins hématologues et oncologues du Québec

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D’abord, les équipes devraient être plus autonomes, plus compartimentées. Ainsi, si l’une d’elles a une ressource malade, les autres peuvent poursuivre le travail sans danger. Ensuite, en séparant complètement les différentes unités et en testant fréquemment le personnel comme les patients, nous arriverons à limiter les éclosions. Enfin, il importe de soutenir les équipes sur place. Elles connaissent les problématiques, mais aussi les solutions !  

Personne ne sait ce qu’une deuxième vague peut réserver, mais surtout, peu de gens sont immunisés. Nous devons donc développer une solution évolutive qui saura s’adapter aux scénarios envisageables. Chose certaine, nous devons absolument trouver un moyen de préserver l’accessibilité aux soins chirurgicaux non liés à la COVID-19. 

Dr Serge Brazeau, président de l’Association des médecins gériatres du Québec 

 

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Le taux de mortalité chez les patients âgés démontre à lui seul que le virus nous a pris par surprise dans les CHLSD. Les cohortes de patients infectés au même moment et le grave manque de main-d’oeuvre ont rendu la situation insoutenable. Certainement, le gouvernement aura compris l’immensité du déficit de personnel dans ces centres. En gériatrie, nous sommes inquiets que le virus ait aussi créé des victimes collatérales, non pas infectées par le virus, mais plutôt aux prises avec des problèmes de santé et refusant de se rendre à l’urgence, par peur. Un nombre alarmant de patients y sont arrivés trop tard, à la suite d’un infarctus, d’une chute ou de tout autre problème nécessitant un traitement rapide. Le résultat ? Une surmortalité chez les patients non infectés par la COVID-19.  

De notre côté, nous craignons surtout un éventuel reconfinement. La situation d’isolement vécue au printemps a causé chez les personnes âgées une grande perte de mobilité et d’autonomie, voire un déclin graduel des capacités mentales et des désordres psychiatriques. Si une deuxième vague devait survenir, les règles de confinement devraient être plus souples et inclure le maintien des soins à domicile comme la physiothérapie et des heures d’ouverture des centres de réadaptation. 

Dr Antoine Delage, président de l’Association des pneumologues de la province de Québec 

 

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À l’avenir, il faudra certainement assurer une gestion plus efficiente et sécuritaire des ressources humaines et matérielles. De façon générale, le réseau s’est très vite organisé, notamment en soulageant la pression dans les urgences et les hôpitaux. Un défi important demeure toutefois le personnel comme vecteur d’éclosion.  

L’inconnu caractérise bien la période dans laquelle nous avançons actuellement. Une recrudescence du virus pourrait survenir au même moment que d’autres infections saisonnières, comme l’Influenza. Le déconfinement est un exercice complexe, mais nous devons reprendre les activités et demeurer prêts à tout. 

Dr Marc Lebel, président de l’Association des pédiatres du Québec 

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En pédiatrie, la première conclusion demeure que les enfants sont très peu infectés et très peu transmetteurs du virus. Les complications infectieuses ne sont pas fréquentes et les décès sont exceptionnels. La problématique pédiatrique est plutôt liée au confinement. Comme les enfants ont cessé de fréquenter la garderie ou l’école, les ressources professionnelles veillant à leur bon développement et leur santé ont perdu le lien avec des milliers d’entre eux. La baisse des signalements à la DPJ est inquiétante. 

Même si les enfants seront peu malades, certaines éclosions pourraient survenir. Un reconfinement n’est toutefois pas envisageable. Ses effets négatifs sur le développement des enfants sont de loin supérieurs à ceux de la COVID-19. Nous craignons notamment une hausse du décrochage scolaire, de la maltraitance et des retards développementaux. En néonatologie, nous remarquons que les bébés ont de la difficulté à sourire, étant en contact constant avec des gens masqués ou portant la visière. Comme la France et la Belgique, il est primordial d’abandonner rapidement les règles de distanciation avec les enfants de 12 ans et moins. 

Dr Bryan Houde, président de l’Association des anesthésiologistes du Québec

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En anesthésiologie, il est primordial de connaître l’état des stocks, notamment pour la sédation des patients aux soins intensifs. Naturellement, pouvoir compter sur la disponibilité des ressources matérielles est essentiel, mais il importe de mieux les répartir au sein du réseau. Nous avons connu une problématique due à la trop forte concentration de patients dans les grands centres, dont Montréal, contribuant à paralyser le réseau et, indirectement, restreindre l’accès aux soins chirurgicaux non liés à la COVID-19. À l’avenir, il faudra réorganiser les soins et s’assurer que tous les patients puissent être traités dans leur région ou localité. 

Nous sommes mieux préparés aujourd’hui pour la deuxième vague. La trajectoire des patients est claire, les zones dédiées sont délimitées et les équipes sont plus habituées. Comme l’effet de surcharge dans les hôpitaux est la cause de la diminution des activités chirurgicales, nous espérons que le recrutement massif en CHSLD limite les transferts du personnel soignant et que la présence de ressources intermédiaires permette de maintenir l’accès aux soins à tous les patients en attente d’une chirurgie liée à un cancer ou à une condition limitant l’autonomie. 

Dr Richard Massé, conseiller médical stratégique en santé publique au ministère de la Santé et des Services sociaux

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La gestion des CHSLD a été extrêmement difficile dans les derniers mois et il est primordial que le réseau soit étudié et analysé davantage afin que l’on puisse mieux le supporter à l’avenir. Compte tenu de la vulnérabilité des CHSLD et des gens qui y résident, les travailleurs de la santé doivent être mieux protégés pour ne pas qu’ils transportent l’infection ou qu’ils en soient atteints.

C’est extrêmement difficile à prévoir et nous ne serons pas à l’abri d’une deuxième vague, tant qu’il n’y aura pas de vaccin. Heureusement, nous avons pris beaucoup d’expérience au cours des derniers mois en nous dotant notamment d'outils de monitorage pour identifier les éclosions et intervenir promptement. Nous ferons face à d’autres éclosions dans des milieux de soins, dans les milieux de travail ou encore dans la communauté. À ce moment, il sera primordial d’intervenir rapidement et efficacement pour limiter la transmission, sans avoir à arrêter les activités. Nous avons vu une grande solidarité dans le réseau de la santé. C’est très encourageant de constater que tout le monde se donne la main pour travailler ensemble et se prépare déjà pour une deuxième vague.

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Vous soigner, malgré la pandémie