Projet de loi no no 11 – Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d’autres dispositions législatives
Aperçu de la position
La Fédération des médecins spécialistes du Québec souhaite remercier la Commission des relations avec les citoyens de l’Assemblée nationale du Québec de lui permettre de présenter ses commentaires relativement au Projet de loi no 11 – Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d’autres dispositions législatives (ci-après, le « Projet de loi » ou le « PL 11 »).
Le PL 11 reprend essentiellement les dispositions du projet de loi 381 présenté par le ministre de la Santé et des Services sociaux en mai dernier, mais mort au feuilleton au terme de la dernière législature.
La Fédération regroupe 59 spécialités médicales représentant plus de 10 000 médecins spécialistes de toutes les disciplines médicales, chirurgicales, d’imagerie et de laboratoire.
Sur 3 663 Québécoises et Québécois qui ont reçu l’aide médicale à mourir (l’« AMM ») entre le 1er avril 2021 et le 31 mars 20222, 15 % des patients l’ont reçue d’un médecin spécialiste.
Le rôle qu’occupent les médecins spécialistes quant à la dispensation de soins de fin de vie et de l’AMM est incontournable. Plusieurs d’entre eux sont aux premières loges. Ils et elles œuvrent dans les unités de soins intensifs médicaux et chirurgicaux, les unités de soins palliatifs, les unités de soins gériatriques et les salles d’urgence et accompagnent tous les jours des patients dans leur cheminement de soins, menant, parfois, à la fin de la vie.
D’ailleurs, il est à mentionner que les médecins spécialistes sont de plus en plus confrontés aux demandes de leurs patients quant à l’administration de l’AMM. Les données présentées ci-dessous démontrent une nette progression du nombre d’AMM dispensée par les médecins spécialistes entre 2016 et 2021.
Parmi ces médecins, on compte jusqu’à 21 spécialités différentes ayant prodigué l’AMM.

(1) Les données du 1er avril 2021 au 31 décembre 2021 inclusivement sont des données préliminaires.
La position des membres de la Fédération sur l’AMM a évolué au fil des ans. À l’origine, pour beaucoup de médecins spécialistes formés jusqu’aux limites de la science pour prolonger la vie et vaincre la maladie, l’idée même d’administrer un « soin » entraînant la mort semblait inconcevable.
Étant confrontés quotidiennement à la réalité de la fin de vie, les médecins spécialistes reconnaissaient néanmoins l’importance d’un encadrement des soins de fin de vie. Ils étaient, déjà en 2009, fortement favorables à la mise en place d’un encadrement de l’AMM, notamment concernant l’autonomie décisionnelle du patient.
Aujourd’hui, la société et les médecins s’éloignent de plus en plus du concept de « vie à tout prix » pour tendre plutôt vers un objectif d’une qualité de vie acceptable pour l’individu. Ainsi, la médecine considère comme éthiques des soins qui allègent la souffrance, même si ceux-ci ont pour effet de raccourcir la vie, dans la mesure où une demande libre et éclairée est émise par le patient.
Conséquemment, la position de la Fédération sur l’AMM s’est nuancée au cours des dernières années. L’organisation a été partie prenante du consensus social et médical selon lequel il est acceptable pour une personne de demander que la fin de sa vie soit devancée pour mettre fin à des souffrances persistantes, intolérables et sans issue.
Nous accueillons ainsi très favorablement le retrait du critère de fin de vie et l’élargissement de l’accessibilité à l’AMM, par voie de demande anticipée, aux personnes atteintes d’une maladie grave et incurable menant à l’inaptitude. Nous croyons que cette avancée s’inscrit dans l’évolution logique de la loi actuelle et dans la volonté exprimée par notre société de pouvoir déterminer ses soins de fin de vie.
Nous nous réjouissons également de l’avancée majeure du Projet de loi qui réintroduit les dispositions visant à rendre admissibles à l’AMM les personnes atteintes d’un handicap neuromoteur grave et incurable.
Nos considérations quant à l’élargissement de l’AMM seront ainsi présentées au sein du présent mémoire, lesquelles seront accompagnées de recommandations visant à bonifier le Projet de loi et s’inscrivant dans un objectif de garantir des normes de soins respectueuses de la dignité et de l’autonomie décisionnelle des patients.
Ces considérations sont issues de réflexions interdisciplinaires qu’a conduites la Fédération en collaboration avec les spécialités concernées.